mardi 11 décembre 2007

Vous êtes fous.

Oui. Oui. Vous. La société. En général, certes. Mais plus précisément, vous, les nouveaux parents. La plus récente génération de parents trendys. Les derniers nés en matière de parents à la mode. Ceux qui sont hots. Une sous-culture, à l’intérieure de cette génération, composée de parents bien décidés à ce que leurs enfants soient aussi cool qu’eux, a écrit Nicolas Langelier. Bref, les parents bien cools. Ceux que je n’apprécie pas. Leurs enfants encore moins. Mais je garde le sourire. Ou des fois non.

Or, ces nouveaux parents qui ont en moyenne des enfants âgés de 0 à 7 ans sont fous. Complètement déraisonnés. Ils me font perdre la tête. Et pas juste parce qu’ils achètent des souliers à 90$ à leurs bébés de 6 mois. Ils me donnent parfois envie de leur hurler des bêtises pour qu’ils sortent de leur monde imaginaire et qu’ils constatent la réalité. Allume, esti!

Sachez que les propos dont il sera question sont entièrement vrais. Sans exagération. Je relate des faits réels.

L’endroit pour lequel je travaille a un problème. Un énorme problème. Causé par plusieurs facteurs. Et aucunes solutions concrètes et efficaces. Mais, un gros problème nommé Noël. À vrai dire le problème touche un phénomène plus précis que Noël, mais bien Monsieur Noël. Nous avons des désagréments fous et impossibles à gérer qui sont provoqués directement par Monsieur Noël. Impossible de plaire à une majorité. Ça va mal. Évidemment, ce grave problème d’envergure revient à chaque année, nous cherchons des solutions. Mais en vain. Nous en trouvons très peu. C’est impossible.

Bien entendu, nous faisons de notre mieux. Je ne crois pas que notre système puisse régler davantage le problème Monsieur Noël. Changer quelque chose ne ferait que mécontenter une autre partie des individus concernés. Changer pour changer, ça ne fait que bouger le problème de place. Ça ne le règle pas. Nous avons déjà essayé... C’est bien impossible à solutionner je crois.

Notre Monsieur Noël a un cibole de problème. Et je ne crois pas que nous l’aidons vraiment. Il est exposé partout. Vous l’avez vu et vous le verrez assurément dans La Presse, dans des magazines, à la télé. Bref, notre Monsieur Noël, le vrai bien évidemment, est une star. Une célébrité. LE Père Noël par excellence. Il est beau, il est gentil, il est merveilleux. Il a tout et tout le monde se l’arrache.

Spécialement ces parents fous.

Ce qui nous cause un gigantesque problème.

Monsieur Noël attire des foules. Du monde. Énormément beaucoup de monde. Et les parents fous n’ont pas peur des gens. N’ont pas peur de cette foule incroyable qui grossit de jours en jours depuis le 17 novembre. Les parents fous veulent offrir à leur progéniture – ou plutôt s’offrir la grande classe. Tout le temps. La top qualité. Le meilleur. Ils ne sont pas cheaps, ces parents fous. Ni de leur fric, ni de leur temps. Mes enfants seront les meilleurs.

Et croyez-moi, ils sont très nombreux ces parents fous.

Voyez-vous, la société qui m’emploie se retrouve donc depuis quelques années avec cet énorme problème sur le dos. Avec Monsieur Noël plus que parfait, plus qu’extraordinaire. Qui amène une très grande foule. Ce qui est excellent pour les ventes, j’en suis convaincue. Mais cette foule occasionne d’autres légères difficultés. Si Monsieur Noël vaquait à ses occupations de bon Monsieur Noël 24 heures par jour, il y aurait assurément des parents fous qui seraient prêts à aller assoir leur enfant sur les genoux de ce monsieur à 4 heures du matin. Tout pour une photo parfait avec CE Monsieur Noël-là. Le meilleur, bien certainement. Parce que j’ai constaté de mes yeux vus que notre problème noëllien ne s’étend pas à d’autres places comme la notre. Les autres compagnies nous regardent assurément avec une quelconque envie d’avoir eux aussi le vrai, le plus beau, le plus sympathique Monsieur Noël dans le village le plus enchanteur, mais jusqu’à une certaine limite. Ce que nous vivons est fou. Je suis sûre que tout ça doit les amuser un peu. Parce qu’ils n’ont pas à trouver de solution, eux. Ils n’ont pas ce problème.

Vous vous dites. Ah... elle exagère. Merde non. C’est la vérité.

Alors, Monsieur Noël attire des foules immenses d’enfants excités, mais surtout de parents tombés sur la tête. Des parents non réfléchis qui n’ont qu’un seul objectif en tête, que mon enfant pose son cul sur les genoux de CE Père Noël-là et que j’aie la plus belle photo à distribuer à toute la famille durant le temps des Fêtes. Je vous le dit ainsi, car c’est clair que ces idées démentielles proviennent des parents fous. Ils deviennent donc obsédés et par conséquent obsèdent grandement leurs petits avec ces pensées et actes complètement déraisonnées. Je vous le dit ainsi et également plusieurs autres individus plutôt extérieurs à ce phénomène se proclament en disant que tout cela est complètement débile et impensable. Cependant, il ne doit pas y avoir tant de parents issus de la nouvelle génération qui pensent de cette façon, car les files d’attente chez nous prouvent le contraire. Et la non présence de lignées interminables chez nos adversaires appuie également ce que j’avance.

Vous êtes fous. Pensez-y.

Voici une excellente perspective de notre problématique.

Monsieur Noël arrive à 10h30 pour recevoir petits mousses évidemment impeccablement vêtus dans son royaume enchanté. De 10h30 à 17h00 avec une heure de pause il reçoit tous les clans familiaux. Au programme, un Monsieur Noël magnifique, attentionné qui vous accueille très personnellement. Qui est gentil, rigole avec les enfants. Qui souhaite Joyeux Noël en 3-4 langues. Va même à modifier la chanson Petit Papa Noël pour la rendre plus moderne, plus pacifiste. Bref, il est exceptionnel. Je le sais assez. Vous vous époumonez à me le dire à chaque jour.

Nous sommes donc loin de la formule de travail à la chaîne que bien d’autres –faux, bien sûr- Monsieur Noël peuvent faire avec les enfants. Nous vous offrons bien plus une expérience chaleureuse et unique avec une photo assurément réussie qu’un Père Noël blasé qui passe les enfants sur ses genoux comme on passe des cannages à l’épicerie.

Et ça les parents fous achètent. Ravissant, approche unique et de qualité, médiatisé. Parfait. Il fait accourir les foules ce Monsieur Noël. Il fait parcourir aux parents fous des dizaines et parfois centaines de kilomètres pour que les enfants aient ce qui a de mieux en ce qui attrait Noël. Ils sont gâtés ces flos. Croyez-moi.

Que vous polluez un peu plus la planète avec vos trajets en voiture un peu plus long qu’à l’habitude pour parvenir jusqu’à nous, ça me va. Je peux comprendre ça. Ce n’est pas si pire.

Que vous arriviez à 7h30 du matin. Que vous ameniez vos chaises de camping. Ordinateur portable. Nappes et paniers à pique-nique. La moitié de votre maison, en fait. Là ça ne va pas. Ça me dépasse. Je vous trouve fous. Mongoles. Vous me foutez dans une de ces indignations et me poussez à écrire un texte de près de 2000 mots sur mon blogue. J’ai vraiment envie de vous prendre par les épaules et de vous secouer violemment en vous disant que c’est totalement insensé.

C’est totalement insensé d’attendre pendant plus de 3 heures pour voir durant 6 minutes Monsieur Noël. Et ne venez pas me dire que ce n’est pas la majorité qui pense et agisse ainsi. À voir la quantité de gens qui affluent et appellent depuis presqu’un mois, je n’y crois pas. Vous êtes fous.

Eh, jeune parent! Ce n’est pas pour avoir des tickets de Led Zeppelin que tu te fous en file pendant 4 heures. C’est pour voir pendant 6 minutes un Père Noël. Allo? Qu’est-ce que vous faites là? Vous me donnez envie de pleurer... de honte, je suppose. De voir une société si folle dans tête que ça.

Donc, à 7h30 des jeunes parents se pointent. Sans leurs enfants, j’espère. Je suppose. Parce que je dors. Il est 7h30 et ça ouvre à 10 heures. Des parents fous se lèvent, se disent : Bon matin. Aujourd’hui je vais aller patienter pendant plus de 3 heures en file, car mon enfant est malade et nous avons un système de santé déplorable, mais je dois y aller absolument car il est impensable que je laisse mon enfant dans une telle situation car j’ai très très envie (oui, mais jusqu’à quel point, esti?) que mon enfant voit et se fasse prendre en photo avec ce Monsieur Noël. J’ai fait un bref calcul utilitariste et j’en conclue que c’est bien attendre pendant 3 heures pour voir durant 6 minutes un Père Noël.

NON. Chacun ses calculs, mais je ne suis pas d’accord. Esti.

Arrivent avec leurs chaises. Leurs ordinateurs portables. Ça, ça m’a vraiment jeté sur le cul. S’assoient et se disent qu’ils en ont pour un 3-4 heures à attendre. Là. Assis dans ce centre commercial beige. Entourés de faux sapins et de fausse neige. Pour voir Monsieur Noël. Avec leurs enfants tout endimanchés. Avec ces enfants qui ne doivent absolument rien n’y comprendre. Ces enfants, que je doute qui manifestent réellement un si grand intérêt pour ce grand Monsieur vêtu de rouge.

C’est n’importe quoi. Et c’est tellement réel.

Et vous savez quoi? Non. Ce n’est pas fini.

À 10h15, la file est complète. Après avoir effectué un calcul simple, le lutin ferme la file. Complet. La dernière famille qui vient de se mettre en file sait qu’elle passera après 17 heures. Parce que c’est toujours plus long. Très souvent il est encore là à 17h15.

10h15 à 17h15. En file. Attendre. Jeunes enfants. Monsieur Noël. Photo.
Aie-je besoin de répéter?

Et ce n’est pas comme dans certaines cliniques où l’on vous dit de revenir vers telle heure. Non. Tu attends. Tu quittes la file, tu meurs perds ta place.

Et ce n’est pas comme si c’était l’évènement du siècle. Ils n’ont pas ressuscité John Lennon et George Harrison et ont reformé les Beatles. Non. Le Père Noël.

Certaines personnes prennent aussi le risque de se mettre en file et de ne pas passer. On avertit les gens que selon les calculs ça se peut qu’ils n’aient pas le temps de passer. Et les gens prennent le risque. Et se voit refusé l’accès au Père Noël parce qu’il est rendu 17h20. Tant pis.

Vous êtes fous, maudit. Sérieusement. Vous y avez-vous sérieusement pensé à tout ça?

Notre Monsieur Noël est là 7 jours sur 7 et bientôt il sera là à chaque heure où nous serons ouverts. Excluant ses dîners, bien sûr. Quand même. Et quand vous venez à mon comptoir, tout affolés, me demandant quand est-ce que c’est moins pire. Jamais. Certains après-midi de semaine. Il y a tout le temps des gens. Vous ne pouvez vous en sortir en bas d’une heure d’attente. Et vous vous insurgez. Vous me dites que l’an passé c’était mieux. Non. C’était différent. Ça fonctionnait comme le principe que j’ai nommé plus haut utilisé en clinique. C’était mieux? Bof. C’était différent. Les gens ne chialaient pour les mêmes raisons c’est tout. Et vous remplissez à la tonne des feuilles de plaintes et de commentaires.

Allez ailleurs. Où il n'y a pas un chat. Où le Père Noël n'a même pas de lutin pour gérer l'affluence de gens. Où il n'a même pas d'amuseur pour divertir les enfants qui attendent en file depuis 2 heures. Où le Père Noël jase avec la fille de l'information tellement c'est mort. Certes, votre photo sera moins belle. Vous ferez un montage dans Photoshop, tant pis. Nos rivaux savent qu'ils ne peuvent pas compétionner avec nous. Alors, ils ont un plus petit budget pour le village et le Père Noël, mais font des sapins impresionnants de 16 pieds. On ne peut pas tout avoir.

Mais non. Les parents fous ne veulent pas ailleurs. Plein de gens se plaignent, se foutent en colère, s’indignent. Mais jamais ils ne parlent d’aller ailleurs. Évidemment non. Ailleurs, Monsieur Noël il est beaucoup moins exceptionnel. Et j’offre toujours ce qu’il y a de mieux à mon enfant afin qu’il soit aussi cool que moi. Alors je me tais et je fais la file.

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